Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Dans les bras de pyrène

Etape 20 : Refugio de Tabernès - Pico Schrader - Refugio de Tabernès

Date:  Vendredi 7 Août 2015 - Distance:  14,1km - Denivelés: + 1500m / - 1500m

Fichier GPX: 20 tabernes schrader tabernes

5h00 - Après une nuit correcte je me prépare dans l'obscurité car je n'ai pas de frontale. La flamme bleue du réchaud chauffant mon café est mon petit ciel bleu dans ma recherche de motivation, une promesse que là haut plus tard je serai récompensé. Il y a des étoiles dans le ciel, cela devrait aller pour la météo, mais faudra aller très vite ce matin car un changement du temps est prévu à la mi-journée.

L'espagnol pas très bavard est parti cinq minutes avant moi, sa frontale qui éclaire au loin me donne un repère. L'autre gars continue de dormir dans la petite pièce du refuge.

Ce matin ça va être dur pour le départ car je dois traverser une foret pendant une demi heure alors que j'y vois déjà rien du tout dans la clairière du refuge. Je prépare mon smartphone, il me servira au cas où, mais je préfère préserver sa batterie et ne pas l'utiliser. Je vois au loin la frontale et cherche à l'estimée le chemin, mes pieds trébuchent, je ne vois pas les déformations du sol. Passé la passerelle la sente est bien marquée mais se divise vite en raccourcis et passage d'animaux. J'hésite, fais demi-tour, remonte, descend, je perds du temps précieux mais je reste vigilant à ne pas m'engager dans une mauvaise sente. Je parviens à déchiffrer tout de même les codes de la forêt dans le noir.

Ah! voilà une clairière avec des rochers clairsemés. Arrivé à deux mètres, alors que je m’apprêtais à en frôler un, cette masse sombre surgit avec un bruit de cloche déchirant la nuit, un bond en arrière de surprise, je réalise que je suis au milieu d'un troupeau de vaches couchées. Ouf, je ne sais pas qui à eu le plus peur.

Je me perds deux ou trois fois encore, mais arrivé au Vado de Bachimala: une intersection de vallons où il y a un replat sans arbres, on y voit déjà bien mieux. Je connais cet endroit pour y être passé plusieurs fois. Pour le Schrader ou le barranco gorgas de la Pez.

L'ancien pluviomètre est toujours là, c'est un excellent repère pour la suite de mon programme. Maintenant je sais que cela va monter raide. Un petit sentier casse patte se faufile entre les arbres proches d'une cascade, et me propulse vite en altitude. J’essaie de rattraper mon retard, mais gère l'effort car le sommet est encore bien loin.

Plus haut ça se calme et monte de façon régulière vers le col que j'atteins en deux heures. Je reconnais bien tout les passages en direction du Pic. Il y a deux chemins pour accéder à la crête, je prends le plus direct qui est plus pentu et croulant. Sur cette crête de schiste j'essaie d’accélérer car le temps commence à changer. Deux montagnards en contrebas me suivent au loin, mais aujourd'hui comme pour les autres sommets, je serais le premier là haut. L'espagnol à la frontale n'est pas dans le vallon, peut être est il du coté des pics de la Pez pour réaliser l'intégrale de la crête de Bachimala.

Arrivé sur la partie dentelée de l’arête, à quelques minutes du sommet cela devient aérien et je dépose au sol mes bâtons que je suis obligé de caler sous des pierres car le vent est violent. Je fais attention de bien poser les deux mains pour éviter qu'une rafale me déséquilibre. Le sommet est tout près à deux petites minutes, et la météo devient menaçante, de grosses gouttes tombent. Il faut que je prenne une décision et la bonne en très peu de temps. Si près du but après quatre heures de marche intense c’est dur et injuste mais c'est ainsi. Je jauge ma marge de manœuvre et décide d'aller au sommet vite. C'est dans ces moments là où toute mon expérience de montagnard acquise en vingt cinq ans est mise à contribution et où elle sert vraiment sans que l'on force. Je deviens comme une machine, hyper concentré, tout les sens en alerte, les mains qui saisissent, auscultent la roche, pas le droit à l'erreur, chaque pas est juste, chaque mouvement vient naturellement et vise l'efficacité. Le sens de l’itinéraire entre en jeu, éviter le fil de l’arête tant que possible pour éviter d’être exposé avec les rafales, analyser en un instant les prises à utiliser et celles à éviter. Cela me rappelle l'examen d'accompagnateur, où il y avait un exercice de descente raide dissimulée. On passe un par un le plus vite possible sur un secteur difficile, on s'engage en courant dans la pente et on découvre au dernier moment une longue dalle lisse inclinée formant un passage délicat. L'épreuve fait appel à la lecture du relief instantanée et prise de décision pour cibler les appuis.

20150807_100001Posets Espadas et Eristé derrière la Punta del Sabre.

20150807_100608Pics de La Pez (G), Abeillé crête de Bachimala. Derrière, Lustou (G),Parraouis et Estos (D). Au loin Arbizon.

Je grimpe avec en tête que je dois rapporter le petit caillou du sommet pour ma puce. Summit ! caillou souvenir / photos / demi-tour, pas le temps de contempler le panorama. Je connaissais mais c'est un peu dommage quand même. Je croise les deux espagnols dans ma descente éclair, je m'arrête pour leur parler un peu. L'un deux me fait une tape amicale sur l'épaule lorsque je lui décrit mon parcours. Cela fait du bien d’être encouragé, cela rebooste pour les moments difficiles.

20150807_100614Pics de La Pez (ombre). Derrière, Pic de La Niscoude (G), Pic Guerreys, Lustou et Parraouis (D). Au loin Pic Long Néouvielle (G), Pic de Bastan, Arbizon (D).

20150807_100635Punta Suelza et Punta Fulsa.

Je descends très vite dans les éboulis fins en courant. Un gros nuage noir est apparu. Je descends direct vers la vallée en longeant plus ou moins le torrent. Alors que je retrouve le sentier du matin, une petite averse se déclare. Je parviens assez vite au refuge croisant des vachers qui montent leur bêtes en estives.

Schrader express: mission accomplie en 6h30. Repos l’après midi puis ravitaillement au refuge par mon père qui s'est un peu perdu dans les pistes du coin. Le soir je rencontre deux français qui font un tour du Luchonnais, ce sera l'occasion de discuter et partager un peu notre passion commune, ainsi qu'un peu de raisin.

Publicité
Publicité
Publicité
Newsletter
Publicité