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Dans les bras de pyrène

Etape 18 : Estanyol de Gerber - Refugi Mataró - parking de Gerber

Date: Mardi 02 Octobre 2018 - Distance:  8,4km - Denivelés: + 395m / - 545m

 Fichier GPX: fichier gps

 

20181002_080808Matin d'Automne, vallon de Gerber (Encantats).

Au réveil je sent que je suis courbaturé et fatigué, je n'avais pas encore ressenti ça depuis mon départ de Banyuls; Je me souviens qu'un bruit m'a réveillé cette nuit, mais je me suis écroulé aussitôt dans les bras de Morphée; Je suis bien content d'avoir échangé mon duvet au ravito hier, j'ai été bien inspiré. J'ai laisser mon duvet cumulus pour mon vieil ami le Valandré classic 900, bien plus lourd, mais quelle chaleur. Il a gelé cette nuit, et je n'ai pas eu froid au contraire;

Je démarre vers 8h00 direction Estany Podo en passant par deux cols. Mais dès les premiers mètres parcourus sur le sentier, je découvre que je suis pas bien du tout. Mes jambes sont lourdes, mon souffle est laborieux. Ça va être très dur je me dis. Je ne savais pas à quel point à ce moment là.

20181002_095747Estany Llong, Estany Redó.

Le paysage est vraiment somptueux, et le temps est au beau fixe. Le vent s'est arrêté. Quelques isards remonte un ravin étroit. Tout est magnifique, mais il y a quelques chose de cassé mentalement, je n'arrive pas à reprendre le dessus sur mon état physique défaillant. Je souffre à chaque pas, non pas d'un muscle, d'un ligament ou autre. Non, de l'ensemble. Ma tête n'arrive pas à comprendre pourquoi mon corps ne marche pas bien ce matin.

Je me pause au bord du chemin pour faire le point et réfléchir. J'ai laisser beaucoup de forces ces derniers jours, avec des étapes longues et casses pattes, souvent hors sentier. Le vent violent et froid a consommé une partie de mes forces, il m'a épuisé mentalement aussi. Mes problèmes gastriques qui durent depuis 15 jours ont dus eux aussi prendre de l'énergie et m'amoindrir un peu plus chaque jour. Trop de vitamine C? trop de mon mélange céréales? je ne sais pas.

Je décide de me battre, je me remotive, je rassemble toute ma force mentale et me dit que c'est une très mauvaise passe, je vais y arriver. J'ai bien surmonter d'autres épreuves. En même temps je m'hydrate bien et je reprend des forces.

20181002_110636Estany de l'Illa depuis refuge Mataró.

Pas de chance, ce matin le sentier monte raide entre des blocs, tellement raide que l'on pose les mains. je bataille sans arrêt, je m’arrête de plus en plus souvent, même en imprimant un rythme très doux, je suis obligé de stopper pour reprendre mon souffle, et je regarde toujours vers le haut, vers là où je dois aller, comme pour indiquer à mon corps, aller tu vois c'est là haut, allez on y va. Une sorte de grappin virtuel et vectoriel qui s’accrocherait sur la roche loin là haut, trop haut bordel!

Peu avant le refuge de Mataro je rencontre deux espagnols, on échange un peu et ils me souhaitent bon courage. Le sentier s'apaise, la pente générale est plus faible, mais il subsiste des petits ressauts rocheux raides et assassins pour celui qui a du mal à avancer. Le refuge est là pas loin, je le cherche depuis une éternité il me semble. Bordel j'ai l'impression d’être au beau milieu d'un film au ralenti. Ou comme dans les cauchemars lorsque on essaye d'avancer ou fuir, mais on est retenu par une force invisible. Et mon corps qui demande à stopper à chaque virage pour se reposer, j'enrage contre lui, je peste et je jure. Je ne vais quand même pas abandonner?

Le refuge est posé en haut d'un mamelon proéminent et il domine tout le secteur, plus on s'approche plus c'est raide. Je souris en me disant c'est comme un chemin de croix, une sorte d’échelle vers le ciel de forme parabolique, son ascension est plus dure à chaque pas, plus raide, pour être méritant et se mesurer à l'absolu.

2h45! j'ai mis 2h45 pour 400 fichus mètres verticaux positifs! Je suis dépité. Je vois le col en face que je dois passer pour arriver dans le vallon de Saboredo. Il est à 100m de dénivelé seulement sur le papier, mais il me semble hyper loin, comme un Everest inaccessible. Je m'en sens pas la force. Cette vision faussée du col me fait ouvrir les yeux sur mon état physique.

Mon mental à beau essayer de mettre toute sa puissance, mon corps ne peux plus suivre, il dit stop; Je n'arrive pas à me résoudre à l'abandon, c'est terrible pour moi. J'ai endurer tellement d'effort depuis la méditerranée, j'ai surmonté ma lésion au ménisque qui m'a fait pleurer de douleur, abandonner le 18eme jour ça n'a pas de sens! Je rentre dans l'abri dénommé Mataro cela s'invente pas, je ne tiens plus, je réalise, je me relâche, je craque. En voulant m'asseoir au sol je m'effondre sur le plancher tel un pantin et me cogne fortement la tête sur le bat-flanc en bois; Je reste là longtemps à réfléchir, mais je n'y arrive plus. Peut être devrais je dormir là? A quoi bon, vu mon épuisement il me faudrait plusieurs jours de récupération. Continuer serait du suicide. Je pense à ma famille, à ma fille, je me dois de revenir et ne pas mettre ma vie en danger. On finirait par me retrouver en hypothermie dans un coin parce que j'aurais voulu réussir à tout prix. Il est où le seuil létal de l'épuisement? comment savoir? pourtant Cela arrive quelquefois ce n'est pas une légende. Si mon corps aujourd'hui m’envoie tout ces signaux rouges clignotants ce n'est pas pour rien, il y a une raison, et la raison que je refuse de voir en face c'est que je ne peux plus continuer, je dois m’arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Les montagnes ne bougent pas je pourrai terminé mon périple plus tard. J'ai cette pensée réflexe comme pour atténuer ce déchirement.

20181002_114347Redescente vers Estany de Gerber.

Je rédige le message satellite sur ma balise iridium, et au moment de l'envoyer je me dis putain il en faut du courage pour arrêter, bien plus que pour continuer. Heartless!, How could you be so heartless? j'entends en moi cette musique aussi douloureuse que sublime de Christine and the queens; Oui les montagnes peuvent parfois être sans cœur, elles vous donnent tout où vous prennent tout; à tout moment.

Je me souviens quand je parcourais les cimes, un peu noyé dans le brouillard, insouciant que ce luxe un jour s'effondre.

La descente est difficile, je m’arrête souvent. En regardant vers le haut je me dis comment ai je pu avoir la force de monter ça? cela m'impressionne. A nouveau en bas du vallon, je déambule morose en attendant que l'on vienne me chercher. Maudit, un peu vieilli, Je devrais repartir d'ici une autre fois et réemprunter ce même sentier de peine. J'ai hâte. Je me projette déjà pour mieux oublier ce faux pas. Ma HRP peau de chagrin n'est pas terminée. Repartir fait rêver. Un but atteint devient un paradis perdu, alors que dans un périple inachevé le crépuscule est grandiose.

 

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